"De changó aux tambours": bibliographie afro-cubaine (XX e siècle) par Daniel Chatelain
Éléments de bibliographie thématique des
religions afro-cubaines et de leurs manifestations artistiques
(XX e siécle).
Cette bibliographie afro-cubaine a été
publiée sous ma signature dans PERCUSSIONS
n° 57
(mai-juin '98) et 58 (juillet-août "98),
comportant son texte de présentation et un total
de
472
références. Elle n'aurait pas
été aussi fournie sans les personnes citées
dans les
remerciements. J'ai continué á
l'actualiser – jusqu"en décembre 1999 – aprés sa
parution.
0. INTRODUCTION : QUELLE
BIBLIOGRAPHIE?
UNE fois rendue la dignité aux Noirs de Cuba avec le
succés de la prise de pouvoir révolutionnaire
castriste, a été constatée une valorisation
des manifestations artistiques afro-cubaines. Mais, jusqu"aux
années 90 tout du moins, celle-ci s"est faite en les
séparant artificiellement de leur contexte : les
différents cultes afro-cubains (DIANTEILL. 1994, 1. D) ;
ces derniers étant jugés longtemps moins
présentables, voire choquants pour le positivisme officiel
de la République socialiste cubaine et de toute
façon destinées á disparaítre selon
le déterminisme du marxisme d"état. C'est dans les
limites imposées par cette séparation, que s'est
développé un collectage systématique des
sources musicales afro-cubaines et le travail des troupes de
"folklore" (en
particulier l'Ensemble Folklorique National), fondées
á partir du début des années 60 sur la base
de la professionnalisation d"authentiques tenants de la
tradition. Ce travail a en effet valorisé en
priorité la dimension africaine de la tradition cubaine,
quitte á affronter des préjugés
ancrés dans les mentalités. A la fin des
années 80, les instruments et les rythmes de la
percusión rituelle afro-cubaine ont accédé
pour la premiére fois á l'enseignement
académique, jusqu'au niveau universitaire compris.
DANS les années 90, le nouveau tournant de la politique
de l'Etat cubain face á la question religieuse a permis
que reparaissent au grand jour des convictions et des pratiques
qui n'avaient jamais cessées d'être
présentes et qui concernent en fait la majorité de
ceux qui se déclarent catholiques (et aussi d'autres,
moins nombreux, qui ne se réclame pas du catholicisme).
Résurgence quelquefois ostentatoire, prenant
même parfois des formes commerciales anecdotiques :
on a pu voir la consultation de babalawo (voir ci-dessous)
organisée dans un magasin de tourisme (d"état)
de la sation balnéaire de Varadero,
rappel d"un santería business qui a vu le jour aux
états-Unis. Mais aidant aussi une nouvelle
génération cubaine á vivre sa
cubanité dans l'ére post-soviétique. Rares
sont les disques de la Salsa moderne cubaine qui ne comportent
pas quelque allusion aux orichas, aux Saints qui leurs
correspondent, et quelques mots en yoruba. Ceci est
particuliérement significatif, s'agissant d'un genre
musical dont les textes ont la caractéristique de
fonctionner sur la connivence avec le public, même
par allusions, oú les thémes sont donc consensuels
pour
la jeunesse á qui ils s"adressent. D'autre part, avec
l'acceptation religieuse, ce qui était conservation d'un
folklore, soi-disant guetté par la disparition se
révélait être un art religieux en
pleine vitalité.
NOTRE bibliographie afro-cubaine remet ensemble ce qui a
été séparé artificiellement, d"abord
en refusant de sacrifier le paysage complexe de ces cultes au
profit d"un seul élément du paysage, quelle que
soit sa richesse mythologique ou culturelle (qu"il soit dit une
fois pour toute que la santería n"est l'appellation que du
plus visible de ces cultes : celui d"origine yoruba, et
que ce terme ne peut prétendre á englober
l"ensemble des religions afro-cubaines) ; et ensuite en associant
les références religieuses á leurs
manifestations artistiques.
QUELS sont ces cultes ?
– Ils peuvent être locaux et, effectivement,
souvent menacés de disparition comme ceux transmis par
quelques cabildos ayant survécu á
l'ére coloniale (oú était
tolérée cette forme d'organisation des Noirs par
ethnie) : tels ceux de sous-groupe yoruba (iyesa de la
province de Matanzas), ou originaires de la côte
des Calabars (brikamo), ou arará
révérant les vodun adja-fon, oú
encore ganga, tous ceux cités étant de la
Province de Matanzas. Autre exemple : les carabalí
(de la côte des Calabars, aux confins du Nigeria et
du Gabon), encore présents en Oriente (Santiago)
– IIs peuvent être régionaux et
liés á des groupes sociaux particuliers : vaudou
(vodú) des communautés rurales d'origine
haïtienne de l'Est de l'Ile, confréries
masculines initiatiques abakuá (venues de la
côte des Calabars) de l'Ouest de l'íle .
– Ils peuvent être d'extension nationale comme la
santería. Celle-ci a conquis durant ce siécle
toutes les provinces á partir de La Havane et Matanzas.
S"y distinguent des parents religieux nommés
familiérement madrinas et padrinos
("marraines" et "parrains") á la tête de
familles religieuses, et un corps de devins masculins,
possesseurs exclusifs de certaines techniques de divination, les
babalao (ou babalawo) liés au culte
d'Ifa, qui interviennent dans l'initiation de tous les
adeptes (santeros), et sont plus nombreux á Cuba
que les prêtres catholiques. Le palo monte
est un autre culte d"extension nationale, ceci de plus longue
date, et longtemps prédominant des certaines provinces
comme l'Oriente. C"est un culte des esprits des morts d'origine
bantoue, aux multiples variantes, et sur lequel se focalisent
souvent préjugés, critiques morales ou rejet
instinctif. On a pu dire que la santería est un culte des
dieux et le palo un culte des morts, bien que la santería
ait aussi, moins visible, son culte des ancêtres
(Egúns).
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